Un articlé rédigé par Shantelle LaFayette, Avocate, Norton Rose Fulbright Canada
Bianca Pietracupa, Avocate, Agente de marques de commerce, 
Norton Rose Fulbright Canada

La capacité de concevoir quelque chose d’original ou d’inusité est le moteur qui propulse les industries créatives. Toutefois, lorsque le moment est venu de mettre en œuvre ces nouvelles idées créatives, quelles mesures les innovateurs devraient-ils prendre pour s’assurer qu’ils ne violent pas de droits de propriété intellectuelle? Cela est particulièrement important dans le secteur artistique. Par conséquent, il est important que les innovateurs comprennent la nature et la portée de la protection des droits d’auteur et la façon d’éviter les pièges courants.

Le droit d’auteur découle de la création d’une œuvre originale littéraire, dramatique, musicale ou artistique issue de l’exercice du talent et du jugement de l’auteur. Il confère au propriétaire le droit légal de reproduire et de commercialiser une œuvre originale, en tout ou en partie. Ces droits sont établis dans la Loi sur le droit d’auteur (« Loi »), une loi fédérale. La Loi prévoit aussi certains droits qui sont appliqués à un objet créatif qui n’est pas lié à l’auteur réel de l’œuvre. Ces droits sont connus sous le nom de « droits voisins » et comprennent la prestation d’une œuvre par un interprète, l’enregistrement sonore d’une œuvre et la diffusion de signaux de communication.

La protection du droit d’auteur s’étend à une œuvre qui revêt une forme matérielle quelconque et son existence doit être plus ou moins permanente. En pratique, cette exigence limite les droits d’auteur à l’expression des idées dans une forme fixe (texte, enregistrement, dessin) plutôt qu’aux idées elles-mêmes. Par conséquent, de nombreuses œuvres différentes peuvent être créées en fonction de la même idée centrale; toutefois, chaque œuvre originale fixe bénéficierait de sa propre protection par droit d’auteur. Contrairement aux autres formes de propriété intellectuelle, l’œuvre est protégée par droit d’auteur à compter du moment où elle est fixée dans une forme matérielle. L’enregistrement d’un droit d’auteur n’est donc pas nécessaire, mais il offre cependant certains avantages en cas de litige et pourrait aussi faciliter les choses aux personnes qui cherchent à obtenir l’autorisation d’utiliser une œuvre protégée par droit d’auteur.

Quand une œuvre protégée par droit d’auteur peut-elle être utilisée légalement?

La meilleure façon de vous assurer que vous utilisez légalement une œuvre qui est protégée par droit d’auteur est d’obtenir l’autorisation ou le consentement explicite de l’auteur ou du titulaire du droit d’auteur. À l’exception des droits moraux des auteurs, qui ne peuvent pas être cédés et qui peuvent uniquement faire l’objet d’une renonciation par l’auteur, le titulaire d’un droit d’auteur peut céder ses droits à une autre personne ou accorder une licence à une autre personne pour qu’elle puisse les utiliser.

Pour obtenir un consentement, il est nécessaire d’identifier le titulaire du droit d’auteur. En règle générale, le droit d’auteur est octroyé à l’auteur d’une œuvre. Cependant, le droit d’auteur visant une œuvre qui a été créée par un auteur durant le cours de son emploi appartient à l’employeur, à moins de stipulation contraire. Pour que l’auteur perde la propriété du droit d’auteur au profit de son employeur, il doit y avoir eu une relation employé-employeur claire. L’auteur qui crée son œuvre alors qu’il travaille à titre de consultant ou de sous-traitant sera habituellement réputé être le titulaire du droit d’auteur.

Une autre voie à explorer consiste à vérifier si votre utilisation d’une œuvre protégée par droit d’auteur est couverte par l’une des nombreuses exceptions prévues dans la Loi qui limitent les cas où les titulaires du droit d’auteur peuvent exiger un paiement en échange de l’utilisation de leur œuvre protégée par droit d’auteur, en raison du fait que certaines utilisations d’œuvres protégées par droit d’auteur bénéficient à la société.

L’utilisation équitable constitue l’une de ces exceptions, aux termes de laquelle les œuvres protégées par droit d’auteur peuvent être utilisées sans que l’on doive obtenir au préalable la permission du titulaire du droit d’auteur. En ce sens, l’utilisation équitable constitue une défense contre les allégations de violation de droit d’auteur. Toutefois, ce ne sont pas toutes les utilisations qui sont jugées équitables. Il n’existe pas de critère établi permettant de déterminer si l’utilisation d’une œuvre protégée par droit d’auteur constitue une utilisation équitable. La Cour suprême du Canada a élaboré six facteurs non exhaustifs qui peuvent être pris en compte pour tenter de déterminer si l’utilisation est équitable.

  1. Le but de l’utilisation
    La loi limite l’utilisation équitable à l’utilisation d’une œuvre protégée par droit d’auteur aux fins de recherche, d’étude privée, d’éducation, de parodie, de satire, de critique, de compte rendu ou de communication de nouvelles; l’argument sous-jacent étant que le public bénéficie de ces activités et que ces bénéfices ne devraient pas être restreints par le droit d’auteur. Parmi les exemples d’utilisation équitable, notons la rédaction du compte rendu d’un roman, la diffusion d’un court clip d’une performance musicale à des fins de critique, la citation d’un article dans le cadre de la communication de nouvelles, la reproduction d’un poème qu’utilisera un professeur dans le cadre d’un cours.
    Il y a certaines formalités à respecter dans le cadre d’une défense fondée sur l’utilisation équitable. L’utilisation aux fins d’une critique, d’un compte rendu ou de la communication de nouvelles doit indiquer la source de l’œuvre protégée par le droit d’auteur et le nom de l’auteur, de l’interprète, de l’auteur de l’enregistrement sonore ou du diffuseur, selon le cas.
  2. La nature de l’utilisation
    Ce facteur a trait à la façon dont les œuvres ont été utilisées. Si une copie de l’œuvre est utilisée à des fins précises, cette utilisation sera probablement considérée équitable par rapport à l’utilisation de multiples copies qui sont diffusées largement.
  3. L’ampleur de l’utilisation
    La mesure dans laquelle l’œuvre est copiée est un facteur qui doit être examiné au moment de déterminer si l’utilisation est équitable. Toutefois, ce facteur est fonction de la nature de l’œuvre. Pour certaines œuvres, il peut être possible d’utiliser équitablement l’œuvre dans son entier, comme copier un court poème aux fins de l’utilisation par un professeur tel que susmentionné. Il peut être difficile de critiquer certaines œuvres ou d’en faire un compte rendu, comme des photos ou des peintures, sans copier l’œuvre en entier. Par conséquent, le but doit aussi être examiné dans le cadre de l’évaluation de l’ampleur de l’utilisation.
  4. Les solutions de rechange à l’utilisation
    Les solutions de rechange à l’utilisation d’une œuvre protégée par droit d’auteur auront une incidence sur le caractère équitable, comme l’existence d’une œuvre équivalente non protégée par droit d’auteur qui aurait pu être utilisée à la place de l’œuvre protégée par le droit d’auteur. Par exemple, l’utilisation d’une pièce musicale libre de redevances dans le cadre d’un cours portant sur un style musical peut avoir la même efficacité que l’utilisation d’une chanson populaire protégée par droit d’auteur.
  5. La nature de l’œuvre
    La nature de l’œuvre prend en compte les qualités de l’œuvre, comme la question de savoir si l’œuvre a été publiée précédemment ou si elle était confidentielle. La Cour suprême note que si une œuvre n’a pas été publiée, l’utilisation peut être plus équitable en ce que sa reproduction accompagnée d’une indication de la source pourrait mener à la diffusion plus large de l’œuvre auprès du public, soit l’un des buts de la Loi.
  6. L’effet de l’utilisation sur l’œuvre
    Enfin, l’effet de l’utilisation sur l’œuvre est un autre facteur à considérer. Si le fait de copier l’œuvre nuirait à la capacité du titulaire du droit d’auteur de commercialiser son œuvre, la balance pourrait pencher en faveur du caractère inéquitable de l’utilisation.

Une pondération différente pourrait être accordée à ces facteurs selon le contexte factuel de l’utilisation des œuvres protégées par droit d’auteur. Dans certains contextes, il pourrait y avoir d’autres facteurs à considérer que ceux qui sont énumérés ci-dessus. En dernier ressort, ce qui est équitable dépendra des circonstances particulières de chaque cas et de l’équilibre entre les intérêts du copieur et ceux de l’auteur ou du titulaire du droit d’auteur.

Si vous faites face à des allégations de violation de droit d’auteur, ou si vous voulez vous assurer que votre utilisation d’une œuvre protégée par droit d’auteur est couverte par l’une des exceptions prévues par la Loi, un avocat ou avocate compétent en droit de la propriété intellectuelle peut vous aider à faire le pont entre la création et la commercialisation de votre propriété intellectuelle.